Le Sextuor pour piano et vents, de Francis Poulenc
Francis Poulenc (1899-1963), moine ou voyou
Moine assurément avec ses Litanies à la Vierge noire (de Rocamadour), son Stabat Mater et son glorieux Gloria, et bien sûr son opéra Dialogue des Carmélites. Voyou tout autant avec ses Chansons gaillardes, et des airs « canailles » qu’il parsème dans certaines pièces pour piano, pour orchestre et certains chants.
Poulenc, autodidacte, butine chez ses collègues du Groupe des Six (Auric, Durey, Honegger, Milhaud, Tailleferre), chez Satie, Stravinsky. Mélodiste avant tout, sa création musicale fonctionne grâce à un instinct sûr alliant la gravité et le charme avec une fantaisie parfois débridée et une liberté souriante. Son catalogue fourmille de mélodies. Dans sa musique de chambre, il touche à tous les instruments, vents, bois, cuivres, cordes. Ainsi il destine son Sextuor à une flûte, un hautbois, un cor, un basson, une clarinette et un piano. Composé en 1931, il le reprend huit ans plus tard.
Trois mouvements composent ce Sextuor.
L’allegro vivace initial d’une vive allégresse communicative, pleine de vitalité s’interrompt pour laisser la place à une plage calme dans lequel règne une charmante mélodie que le piano expose et que les autres instruments reprennent avec chic, non sans quelques espiègleries. La vivacité reprend avec gaieté. Après un clin d’œil, la gouaille s’impose pour terminer par une pirouette.
Le divertissement mélodieux bien dans la ligne que Poulenc affecte est coupé par une petite marche, répétée deux fois, vive, cocasse avec souvent une touche suave malgré tout. Et on termine dans un ton sérieux où l’ironie n’est pourtant jamais loin.
Encore dans la demi-teinte et rempli de petits motifs dans lesquels s’égaient les instruments, le dernier mouvement (finale) déploie une marche presque triomphale. Dans la volubilité ou dans un lyrisme contenu, on oscille entre un ton goguenard (la clarinette) et un retour au sérieux apparent qui n’empêche pas des coquetteries des instruments poussés dans leur limites. Poulenc termine pourtant dans la majesté et la grandeur, notes appuyées pour démontrer cette apothéose. Est-ce trop beau pour être vrai ? En tous cas, l’œuvre séduit par son brillant, sa richesse mélodique et une profondeur non feinte à certains endroits.
Très rarement, ces mélodies tombent dans la sensiblerie, Poulenc ne soulignant pas mais gardant de la vitalité à sa langue musicale caractérisée aussi par de rapides clins d’œil pour signifier que tout ceci n’est pas trop sérieux. Pas vraiment engagé, mais plutôt un peu en retrait avec beaucoup d’élégance dans ses accents. Poulenc, moine ou voyou ? Plutôt moine et voyou !
On ne peut s’empêcher de citer un quintette pour vents que Darius Milhaud, ami de Poulenc, qui à la même époque que celui du Sextuor, livra cette Cheminée du roi René pour cinq instruments à vents.
Joseph Colomb - mars 2022