FRANZ SCHUBERT    (1798 - 1827)

 

« La jeune fille et la Mort »

 

La jeune fille

Va-t'en ! Ah ! va-t'en !

Disparais, odieux squelette !

Je suis encore jeune, va -t -en !

Et ne me touche pas.

 

La Mort

Donne-moi la main, douce et belle créature !

Je suis ton amie, tu n'as rien à craindre.

Laisse-toi faire ! N’aie pas peur

Viens doucement dormir dans mes bras !

 

Matthias Claudius. Poète du 19ᵉ siècle qui écrivit plusieurs textes mis en musique par Schubert.

 

Ce lied (1817), pour piano et chant exécuté par différentes tessitures, ensuite pour quatuor à cordes (1824), fut aussi, à tort, orchestré pour orchestre symphonique par Gustave Mahler ce qui supprime toute la fine poésie de cette musique remplie du sens dramatique. Le thème du 2e mouvement est apparenté à l’Allegretto de la 7e symphonie (1811-1812) de Beethoven (Faire entendre 1 mn du thème du quatuor, puis 1 mn du thème de l’allegretto.

 

2e Mouvement : Thème et variations entre 12 et 13 mn

Thème – joué par le quatuor (en entier)

variation 1 jouée par le 1er violon

variation 2 Jouée par le violoncelle

variation 3 jouée en tutti par la quatuor comme une sorte de course à sa perte

variation 4 La mort se fait tendre et susurre des paroles apaisantes

variation 5 Le charme opère, dernière tentative de lutte de la jeune fille dans un tutti des cordes, retour au thème dans l’apaisement qui guide vers l’éternel sommeil dans l’abandon.

 

Référence absolue : Quatuor Amadeus

 

Voir sur Youtube le quatuor Alban Berg mise en lumière qui situe les personnages

 

L’idée du dialogue avec la mort sera reprise dans le lied « Le roi des aulnes » où le père emmène dans une course effrénée son fils vers la mort, texte de Goethe (1817) – Course à l’abîme, la peur, la supplication du fils, la mort inévitable qui tombe comme un couperet.

 

Qui chevauche si tard dans la nuit et le vent.

C’est le père et son enfant .

Il serre le jeune garçon dans ses bras,

Il le tient au chaud, il le protège .

Mon fils, pourquoi caches-tu peureusement ton visage?

Mon père, ne vois-tu pas le roi des aulnes?

Le roi des aulnes avec sa couronne et sa traîne?

Mon fils, c’est une traînée de brume.

Cher enfant, viens, partons ensemble !

Je jouerai tant de jolis jeux avec toi !

Tant de fleurs émaillent le rivage !

Ma mère a de beaux vêtements d’or.

Mon père, mon père, mais n’entends-tu pas,

Ce que le roi des aulnes me promet tout bas?

Du calme, rassure-toi, mon enfant,

C’est le bruit du vent dans les feuilles sèches.

Veux-tu venir avec moi?  -fin jeune garçon,

Mes filles s’occuperont de toi gentiment.

Ce sont elles qui mènent la ronde nocturne,

Elles te berceront par leurs danses et leurs chants.

Mon père, mon père, ne vois-tu pas là-bas,

Danser dans l’ombre les filles du roi des aulnes?

Mon fils, mon fils, je vois bien en effet,

Ces ombres grises ce sont de vieux saules.

Je t’aime, ton beau corps me tente,

Si tu n’es pas consentant, je te fais violence !

Père, père, voilà qu’il me prend !

Le roi des aulnes m’a fait mal !

Le père frissonne, il presse son cheval,

Il serre sur la poitrine l’enfant qui gémit.

À grand-peine, il arrive à la ferme.

Dans ses bras, l’enfant était mort.

 

Référence absolue : Fischer-Diskau – Gérald Moore

 

J’ose dire que Schubert est le musicien du « destin » souvent sombre, le romantisme exacerbé, comme exemples ces deux quatuors, le quintette avec deux violoncelles dont le second mouvement est contemplatif et méditatif, les cycles de lieder comme le « Voyage d’hiver ». Sa vie fut courte (1797-1828), tourmentée, dans la souffrance due au fait d’une mauvaise relation, il attrape une maladie vénérienne qui l’emporte. Sa dernière œuvre, la sonate pour piano D 960 exprimera toute cette nostalgie en finissant dans une pirouette faisant la nique à ce malheureux destin. Pourtant, quand on lit sa biographie, c’était plus tôt un joyeux drille entouré principalement d’hommes qui faisaient la fête dans ce que l’on appellera les « schubertiades », buvant fort et chantant haut. Sa dernière symphonie N°9, ne put être exécutée du vivant de Schubert, les orchestres du conservatoire de Vienne la trouvaient trop longue et n'arrivaient pas à surmonter des difficultés techniques, il faudra attendre le concert posthume du 14 décembre 1828, c’est peut-être l’œuvre qui révélait de sa personnalité, la lumière, la joie intérieure qu’il exprima avec beaucoup de difficultés